Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Bienvenue à Zyrconia
Bienvenue à Zyrconia
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 1 400
Bienvenue à Zyrconia
  • Vous trouverez sur ce blog les chapitres de mon roman, ainsi que leurs illustrations. Tous les textes et images figurant sur ce blog sont ma propriété exclusive et sont placés sous copyright. https://www.copyrightdepot.com/cd83/00056000.htm
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Archives
Derniers commentaires
1 janvier 2017

Chapitre Cinquième ~ Les Vagues de l'Empire (Seconde Partie)

chapitre5-2(Seconde Partie)

« La mer joint les régions qu'elle sépare... »

Ils longeaient les monts Zinsc depuis quelques heures maintenant et l'impression d'être observés depuis les sommets les étreignait tous. C'était comme si un oiseau de proie perché sur un pic les scrutait de ses yeux perçants. Les monts n'étaient en fait qu'un petit massif composé de collines rocheuses abruptes à moitié recouvertes d'une herbe longue. Peu élevées, elles bordaient le port par le sud. Des oiseaux de mer y faisaient leur nid et des vols réguliers allaient et venaient entre les sommets et le rivage. Peut-être y avait-il un aya parmi eux, ce qui expliquerai pourquoi ils sentaient sur eux ce regard pesant et intéressé…

Au loin devant eux, une fumée grasse et noire tachait le ciel bleu. Ils distinguèrent en plissant les yeux de vastes cheminées surmontant des bâtiments d'une taille impressionnante, mais assez disgracieux. En s'approchant des gigantesques édifices qui les écrasaient de leur ombre, un vacarme tonitruant assaillit leurs oreilles. Amber plaqua ses mains sur les siennes, tout en parvenant à hurler par-dessus le bruit :

Ce sont les usines impériales ! Je ne sais pas trop ce qu'ils extraient de la terre, mais ça ne doit pas être de l'eau !

Des pistons, tous plus grands et larges que le plus massif des arbres de la forêt de Turtle, fouaillaient la terre de leurs dents, rejetant de part et d'autre des amas de pierres et de gravats. De minces rayons de lumière sillonnaient le terrain, sans doute à la recherche d'un nouveau gisement, dont aucun des compagnons ne pouvait deviner la nature. Les oiseaux de mer, quand ils arrivaient aux abords des usines impériales, faisaient brusquement demi-tour, comme pour signifier le mécontentement de la nature elle-même face à cette agression. Krysos, impressionné par le dispositif dont il ne comprenait que vaguement la fonction, voulut s'approcher de l'épaisse barrière de métal qui ceinturait la zone, mais Obsidien le retint en secouant la tête. Beryl, lui, plissait le nez à cause de l'odeur nauséabonde.

Ils dépassèrent le massif et pénétrèrent dans une plaine sur laquelle reposait, comme dans un écrin, le port d'Akroïth et ses impressionnantes murailles fortifiées. Les jumeaux n'avaient encore jamais vu de métropole si vaste ; elle était encore assez loin devant eux, et pourtant, de cette distance, on pouvait juger de sa taille. Elle n'avait rien à voir avec les villages et les bourgs que le groupe avait déjà traversés. De la fumée s'élevait de centaines de cheminées, et des feux bleutés brûlaient dans les plus hautes tours, même en plein jour. Des drapeaux claquaient au vent du large. Sur les murailles crénelées, alignées les unes à côtés des autres, des armes de jet montaient la garde.

Le port d'Akroïth était construit sur une péninsule qui s'avançait sur la mer. Au bout de la langue de terre, un gigantesque phare jetait sur l'eau l'éclat de la flamme bleue qu'il supportait à son sommet. De petits navires circulaient dans les eaux proches, entrant et sortant du port de plaisance aménagé dans la péninsule même.

La vue était splendide mais rien ne put arracher à l'esprit de Krysos que quelque chose d'étrange, de vaguement inquiétant même, émanait de cette cité : cela sentait la guerre, et une autre odeur aussi, comme du bois ou de la chair brûlés…

Avec circonspection, le groupe s'avança jusqu'aux portes de la métropole : si elle avait semblé vaste de loin, ici, aux pieds des remparts, elle se révélait absolument gigantesque. Les murailles de pierre grise devaient bien mesurer une vingtaine de mètre de haut, et les jumeaux durent se tordre le cou pour en apercevoir le sommet. La porte n'était pas en reste : elle aurait suffit à laisser passer de front deux drakones de bonne taille. De l'autre côté régnait une effervescence citadine tout à fait inconnue aux jumeaux, mais aussi à Obsidien, qui, s'il avait entendu des histoires de l'extérieur, n'avait pour autant jamais quitté son petit village dans le désert. Tous les trois ouvraient des yeux ronds émerveillés, tandis qu'Amber, visiblement très à son aise, les guidait dans la foule.

C'était à peine si l'on pouvait mettre un pied devant l'autre : dans la grande rue jalonnée de joyeuses enseignes aux couleurs voyantes régnait un brouhaha incessant de voix qui discutaient, qui criaient, qui riaient ; des citadins bien habillés buvaient un verre à des terrasses surélevées, se délectant du spectacle de la foule ; des jeunes femmes affublées de robes bouffantes et de rubans, aux teintes éclatantes, examinaient les vitrines de boutiques où étaient exposés des escarpins à la mode ou le dernier chapeau en vogue ; de coquettes maisons proposaient des bouquets de fleurs ou des coupes de cheveux ; dans des ruelles éclairées par d'étranges lumières sous verre déambulaient des couples, bras dessus bras dessous, cherchant un peu de calme.

Des groupes d'adolescents se massaient devant des devantures dans lesquelles étaient disposés de petits objets à l'aspect métallique mais parés de vives couleurs, de formes variées, dont Krysos ne comprit absolument pas l'usage. Des camelots aux vêtements criards vantaient leurs pièces d'artisanat en cuir de drakone - hautement improbable -, leurs baies fraîchement cueillies de la forêt de Fayalyth ou la dernière arme sortie des usines de l'Empire. De toute sa vie, Krysos n'avait jamais vu une telle profusion d'objets d'aspect aussi disparate et à première vue superflus.

Amber désigna du doigt aux jumeaux le célèbre Marché de la Mer d'Akroïth, où toutes les espèces marines comestibles de Zyrconia se trouvaient représentées, du brochet à dents de sabre élevé à Greisen aux alevins multicolores phosphorescents des eaux orientales. Les couleurs frappaient les yeux et les odeurs étourdissaient les sens.

Tout semblait se dérouler dans un chaos soigneusement orchestré - sous l'oeil attentif des nombreux gardes en livrée impériale qui patrouillaient - dont tous les gens présents ici semblaient connaître la musique.

Non loin d'eux, une clameur s'éleva ; Amber joua des coudes afin de se frayer un chemin dans la foule, suivie de ses trois compagnons. Devant une bâtisse, dont la porte et les murs de métal rutilaient au soleil, un homme levait les bras en vociférant. Devant lui trônait une machine étonnante, elle aussi métallique, mais brossée et parsemée d'une multitude de petites lumières clignotantes rouges, vertes et jaunes. De la taille d'un alge, elle était munie de deux roues alignées mais ne comportait aucune place pour un attelage. Un véhicule, sans aucun doute, mais d'un genre qu'aucun des quatre aventuriers, ni d'ailleurs une grande partie de la population rassemblée, n'avait jamais vu.

L'homme, toujours en agitant les bras, se mit à faire l'annonce de son engin :

L'Empire fera entrer Zyrconia dans la modernité ! Voici le dernier-né des usines de transports impériales ! Il montra fièrement le véhicule à roues, qui ronronnait doucement dans le silence presque instantané qui s'était fait. Bientôt, chacun de vous pourra s'acheter cette petite merveille qui révolutionnera les voyages !

Joignant le geste à la parole, il monta alors sur l'engin, calant ses deux jambes de chaque côté, comme s'il chevauchait une monture, poussa quelques leviers et la chose se mit alors à se déplacer, toute seule, sans aucune force motrice apparente. Une exclamation de stupeur monta du public :

« C'est de la magie ! »
« Non, ma chère, c'est de la science ! »

Les quatre compagnons demeurèrent sidérés : comment cette machine fonctionnait-elle ? Aucune mécanique d'aucune sorte n'était visible, et la force qui la poussait en avant ne pouvait donc venir que d'elle-même. Krysos s'imagina un instant aux commandes de cette chose formidable, quand son frère le ramena à la réalité en lui signalant que la foule se dispersait, une grande partie suivant néanmoins par curiosité le véhicule dernier cri qui paradait fièrement dans les rues.

Ils se laissèrent porter par la foule dans l'avenue principale pendant un bon moment, jusqu'à ce que le décor change. La foule se fit moins dense et le groupe s'en extirpa afin de continuer son chemin vers le bout du port. à mesure qu'ils avançaient, le malaise que Krysos avait ressenti en contemplant la cité de loin le reprenait : il n'y avait pas de verdure dans cet endroit, pas un seul arbre, et bien que le ciel soit encore clair malgré l'heure tardive, des fumées assez nauséabondes s'élevaient au-dessus des toits, et les jumeaux plissèrent le nez, indisposés. Plus ils avançaient, plus les jolies boutiques et les cafés prospères se faisaient rares, et laissaient la place à des échoppes de guingois et des tavernes mal famées ; des rires avinés en sortaient et des femmes en tenues légères attendaient des clients dans les petites rues transversales. En portant leurs regards plus loin, ils virent ce qui générait cette fumée épaisse et méphitique : de gros bâtiments massifs, aux lourdes portes fermées crachaient ces effluves malodorants au-dessus de la ville. Des gardes sur le qui-vive patrouillaient dans ce secteur, et le groupe ne put aller plus loin sans paraître suspect : aucun citadin ne se rendait dans cette partie de la ville. Désireux de comprendre ce qui se passait ici, Krysos posa la question à Amber :

Ce sont des usines de construction, on fabrique des machines de guerre là-dedans, entre autres choses, lui expliqua la jeune femme. Personne n'a jamais vu à quoi ça ressemble à l'intérieur, à part ceux qui y travaillent - enfin qu‘on y exploite plutôt - et ils n'ont pas le droit de parler. C'est un secret de l'Empire.
— Comment les gens peuvent-ils supporter cette affreuse odeur ? s'exclama Krysos en se bouchant le nez.
— L'habitude, rétorqua Amber. Les gens savent que ce quartier existe, que des travailleurs y triment comme des bêtes, mais que veux-tu ? Les riches sont comme ça, ils ne voient que ce qu'ils veulent voir. La misère des autres ne les intéresse pas, et même si cela les intéressait, que pourraient-ils y faire ? C'est l'Empereur qui commande ici. La joyeuse agitation que nous avons vue tout à l'heure est un joli rideau de soie que l'on place devant une réalité trop difficile…
— Je comprends maintenant pourquoi les Insulaires sont en colère : rien que le fait de produire cette fumée doit tuer une bonne partie des espèces marines des environs », intervint Obsidien, se protégeant lui aussi le nez de sa manche.

Amber se mit soudain à marcher plus vite.

Il y a autre chose que je voudrais vérifier : la rumeur que Thomson nous a rapportée concernant la construction d‘un bateau », décida Amber en choisissant une ruelle sombre où se faufiler.

Les trois jeunes hommes avaient oublié cela, tout éblouis qu'ils étaient encore de la somptueuse cité sur la mer.

Eh, attends ! Amber, où vas-tu ? » lui lancèrent les deux hommes en la regardant s'éloigner.

Krysos attrapa un Beryl totalement écoeuré par ce qu'il voyait, et se mit à courir derrière ses compagnons.

La ruelle semblait interminable, et les individus qu'ils y croisèrent peu recommandables. Un homme à l'air patibulaire tenta même d'agripper Beryl au passage et Krysos dut montrer les dents pour calmer ses ardeurs. Des femmes maquillées et fardées à outrance leur lançaient des œillades coquines en les invitant à pénétrer dans des portes cochères d'où filtraient des lueurs tremblotantes.

Finalement, ils ressortirent dans ce qui semblait être une cour pavée, dans laquelle stationnaient plusieurs des véhicules que le petit groupe avait déjà aperçus tantôt. Se cachant derrière l'une d'elle, les quatre amis se rapprochèrent de la baie où mouillait un navire titanesque. La lumière du jour avait considérablement baissé et des feux bleus allumés aux sommets des mâts éclairaient la scène.

Krysos et Beryl se remémorèrent les barques modestes qu'ils utilisaient parfois à TigrEye pour se rendre dans la Forêt Ardente, située sur une petite île à l'est du village, et en conclurent que le monstre flottant qu'ils avaient devant les yeux n'avait que très peu de points communs avec leurs frêles embarcations…

Des hommes montaient et descendaient du bateau, transportant des caisses et des containers. Avide d'en voir plus, Amber les emmena un peu plus près.

Amber ! Arrête un peu ! On va se faire repérer ! protesta Krysos.
— Les gardes patrouillent de l'autre côté, et puis il n'y a de lumière par ici. Je veux examiner ce monstre de plus près.
— C'est un bateau, Amber, on l'a vu, on peut partir maintenant… s'immisça Obsidien en chuchotant.
— Vous ne trouvez pas qu'il est… bizarre ? demanda la jeune femme aux deux hommes derrière elle.
— Nous n'avons jamais vu de bateau aussi grand, Amber, bien sûr qu'il nous paraît bizarre !
— Oui, mais moi j'ai souvent vu des bateaux de cette taille, objecta-t-elle en plissant les yeux. Et je ne parle pas de sa taille, mais de sa coque ; elle ne paraît pas être en bois… On dirait un genre de… métal…

Elle indiqua le navire du doigt et les garçons s'approchèrent : la coque du bateau brillait faiblement à la lueur des feux des mâts ; à sa base étincelaient ce qui ressemblaient à de grosses pierres polies incrustées dans la coque.

Je n'aime pas ça… Ce n'est pas un bateau ordinaire…
— Ecoute, on peut en parler plus tard, la pressa Krysos, qui n'avait pas l'habitude de se laisser étreindre par l'inquiétude. Partons d'ici, nous allons trouver une taverne et y passer la nuit. Nous y verrons plus clair demain.

Un bruit de métal cliquetant se fit entendre et trois gardes en armures débouchèrent alors sur la place. Amber décida qu'il était temps de partir :

Effectivement, nous devrions nous éclipser, dit-elle en retournant vers la ruelle. Krys, surveille bien ton petit bout de chou, cette fois !

http://gemminy0.wixsite.com/gemminy/lexique

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité