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Bienvenue à Zyrconia
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9 décembre 2016

Chapitre Premier ~ Les Feux des Drakones (Troisième Partie)

chapitre1-2
(Troisième Partie)

"Si l'on met le feu à ta maison, approche-toi pour t'y chauffer..."

 

Leur marche se révéla moins pénible depuis qu'ils s'étaient éloignés du foyer de l'incendie. Toutefois, ils avançaient pas-à-pas, tant à cause de leur abattement moral que de la difficulté du terrain, creusé d'ornières, de crevasses sinistres et de précipices, qui les obligeaient parfois à dévier de plusieurs mètres. Ils marchaient tête basse, les bras ballants, et ne communiquaient que peu, même en pensée.

A certains moment, Beryl avait du mal à passer un obstacle et son frère devait l'aider à escalader un rocher ou à sauter par-dessus un trou. Avec la robe ample dont il était revêtu, la route se révélait difficile pour lui, et Krysos dût le porter à diverses reprises.

La Lune paraissait plus grande ici que près du village, signe qu'ils avançaient bel et bien malgré les distances trompeuses. Elle demeurait toujours visible dans le ciel, même de jour, mais brillait davantage la nuit, et sa puissance magnétique devenait plus forte. Elle exerçait une attraction particulière sur les deux frères, comme si elle veillait sur eux de là-haut, telle une mère qui aurait perdu ses enfants. Les jumeaux avançaient toujours en regardant l'astre céleste, certains que s'ils ne le quittaient pas des yeux, ils ne s'égareraient pas.

Un ensemble rocheux assez impressionnant se découpa dans la clarté diffuse. De forme arrondie, ovoïde, un rocher éclaté en son centre laissait entrevoir une autre couche rocailleuse, plus fine, elle aussi ovale, dont la base était incrustée de gemmes précieuses qui brillaient dans la pénombre. Le tout semblait étrangement déchiqueté, comme s'il avait implosé. Les jumeaux s'attardèrent à cet endroit, contemplant l'étrange édifice de roche, avec la quasi conviction que c'était de ce lieu que leur avait parlé Ferypenda quand ils étaient petits, quand elle disait en murmurant « Je vous ai trouvés dans une pierre... »

Ils caressèrent les bords déchirés de la coque interne, essayant de se souvenir de ce qui s'était passé ici jadis, vingt ans auparavant. Comment Ferypenda les avait-elle dénichés, dans ce paysage aride ? Avait-elle été surprise de les découvrir là ? Les avait-elle pris dans ses bras, tout de suite, parée de son habituel sourire triste ? Ou alors avait-elle eu une hésitation devant leurs faces blafardes et leurs yeux rougeoyants ? L'idée de les laisser ici l'avait-elle effleuré ? Le souvenir de la grande femme aux cheveux auburn et au regard froid leur brisa le coeur, elle qui s'était exposée au mécontentement de son peuple en adoptant deux enfants inconnus. Une prêtresse-mère devait se dévouer entièrement à son sacerdoce ; le temps qu'elle avait passé avec eux lui avait sans doute coûté, mais que d'instants de bonheur partagés à eux trois... Les joyaux luisaient paisiblement, sans révéler aucun secret. Peut-être se trompaient-ils, peut-être cet endroit n'avait-il rien à voir avec eux.

Ils ne purent rester ici plus longtemps, tiraillés par la soif et la faim, et par le désir de sortir de ce labyrinthe de pierre hostile.

Sur la route, ils aperçurent les vestiges d'un campement, un feu de bois mal éteint, et même quelques restes de victuailles. Ils s'en délectèrent comme ils purent, afin d'économiser leurs maigres provisions, même s'ils savaient que cela avait été laissé là par leurs ennemis. Par contre, l'eau se faisait rare, et les quelques filets liquides miraculeux qu'ils purent trouver parmi les anfractuosités suffisaient à peine à humecter leurs lèvres.

Ils s'arrêtèrent quelquefois pour se reposer mais pas trop longtemps. Ils utilisaient des pierres-flambeaux afin de faire du feu. Krysos compta ainsi deux jours et deux nuits depuis leur départ de TigrEye. Jamais il ne s'était sentit si démuni, si confronté à l'inconnu, et de plus, il avait peur pour son frère. Beryl était craintif par nature, et peu débrouillard, un peu comme un enfant, et si Krysos n'était pas là pour s'occuper de lui, il serait quasiment incapable de faire quoi que ce soit tout seul. Il le regarda pendant qu'il dormait, tourné sur le côté, ses poings légèrement crispés, ses lèvres entrouvertes laissant passer son souffle, la tête se balançant doucement, comme pour bercer son angoisse...

Il l'aimait tant...

Si seulement il pouvait être normal ... A son âge, son Don aurait déjà dû se manifester. Lui avait obtenu le sien à l'âge de douze ans, comme la plupart des gens, mais Beryl, lui, ne suivait pas le mouvement. C'était comme... bloqué à l'intérieur de lui, tout comme sa voix. Beryl n'était pas dans l'incapacité physique de parler, seulement... il ne parlait pas, voilà tout. Son frère arrivait toujours à comprendre ce qu'il voulait dire, en lisant ses expressions et aussi ses pensées bien sûr. Peu de gens y parvenaient.

Il était décidé à s'occuper de Beryl tout le temps qu'il faudrait. Et si cela ne changeait jamais ? S'il restait comme ça toute sa vie ? S'il était condamné à ne jamais devenir un adulte ?...

Krysos vint secouer son jumeau, doucement, pour le sortir du sommeil :

— Beryl, nous avons assez dormi. Nous devons repartir.

Et ils se remirent en route, avec aussi peu d'entrain qu'auparavant, mais avec l'espoir que le bout du chemin était peut-être derrière la prochaine montagne.

Au détour d'un rocher, une puanteur infecte les assaillit. Krysos contourna l'obstacle avec précaution et se figea de surprise devant le spectacle qu'il découvrit : un drakone gisait sur le sol, les ailes écartées, déchirées sur les roches coupantes, ses deux courtes pattes avant ramenées sous lui. Son énorme tête écailleuse, encadrée de membranes marquées de runes, reposait sur le côté, la langue pendante ; des caillots de sang séché adhéraient encore à son mufle écorché et ses paupières mi closes laissaient entrevoir ses iris de feu. Sa longue queue, aussi forte et redoutable qu'une massue, se tordait dans un angle non-naturel. La gemme géante qui ceignait sa poitrine, et que tous les drakones portaient, avait éclaté en morceaux. De nombreuses écailles brisées parsemaient le sol autour du monstre.

Il semblait mort mais Krysos ne put s'empêcher de tenir fermement la main de Beryl, par crainte de voir le drakone bouger et se jeter sur eux. En s'approchant avec prudence, il distingua sur le cadavre de multiples blessures ; quelques pennes de flèches dépassaient de son cuir. L'animal avait eu affaire à forte partie. Les frères n'avaient jamais eu l'occasion de contempler une de ces bêtes d'aussi près, et, malgré la férocité que révélait son apparence, elle restait empreinte d'une certaine noblesse, même dans la mort.

En inspectant un peu les alentours, Krysos découvrit également cinq corps, ceux de soldats en armure dorée... La petite armée qu'ils tentaient de pourchasser avait fait une mauvaise rencontre et livré bataille au drakone, sans doute surgi des airs pour fondre sur eux. Ici, le charme protecteur de TigrEye ne faisait plus effet. Krysos ne savait pas s'il devait s'attrister du sort de ces hommes ou bien s'en réjouir.

Mais un autre dilemme s'imposa à lui : devait-il abandonner ces cadavres exposés ainsi au soleil et pourrir sans trouver le repos dans la terre, ou bien prendre le temps de les ensevelir ? Krysos, comme tout ceux qui vivaient à TigrEye, vouait aux défunts un profond respect, et l'idée de les laisser dans cet état, même après ce qu'ils avaient fait aux siens, le répugnait grandement. Ces hommes n'avaient pas eu la moindre pitié en massacrant des innocents auxquels ils n'avaient pas offert de sépultures... Méritaient-ils qu'on se souciât d'eux ? Un peu à contrecoeur, Krysos se détourna : il ne pouvait pas gaspiller du temps, et surtout ses forces, dans une telle tâche. Ces soldats avaient rencontré leur destin, précipitant la fin de leurs victimes et rencontrant finalement la mort à leur tour.

Krysos ne parvint pas à déterminer si le décès du drakone remontait à quelques heures ou à plusieurs jours ; il espéra que la troupe ennemie, peut-être un peu diminuée, ne se trouvait pas trop loin. Il ne voulait pas perdre leur trace, même s'il ne savait pas encore ce qu'il ferait s'il les rattrapait. Il retourna auprès de Beryl ; celui-ci essayait d'atteindre du bout de la lame d'une épée abandonnée la gemme pectorale de l'animal mort. Mais l'arme se révéla trop lourde pour lui et il la laissa finalement tomber. Les jumeaux mirent ce macabre décor derrière eux.

Ils finirent par prendre beaucoup d'altitude. De là où ils étaient, ils pouvaient même apercevoir TigrEye, du moins ce qu'il en restait, un point fumant au fond d'une large dépression naturelle. Les hauts volcans gris aux pentes rocailleuses qui les environnaient ne s'étaient éveillés qu'une fois de leur vivant, mais pour une raison inconnue, Krysos craignait qu'ils ne crachent de nouveau leurs flammes ; cette fois, le village n'y survivrait pas.

C'est alors qu'une ombre immense accompagnée d'un grand bruissement apparut au-dessus d'eux. Les deux frères se jetèrent à terre à l'instant où un colossal drakone, bien vivant celui-ci, passait sur eux, le cou allongé, les griffes dehors, les ailes déployées au maximum, sa gemme pectorale rougeoyant. Il avait surgi d'au-dessus de la crête, et fonçait maintenant vers la vallée. Il ne remarqua pas les deux jeunes gens à plat ventre ; son vol le porta bien loin, en bas, vers TigrEye, et il s'immoblisa dans les airs, dans l'attente de quelque chose.

Aussitôt, un nouveau drakone, encore plus grand que le premier, apparut au sud, et fondit également sur le village, suivit d'un congénère, et puis d'un autre. Jamais les deux frères n'avaient vu autant de drakones à la fois. Les énormes bêtes semblèrent s'engager dans un conciliabule, fait de grognements et de couinements. Puis, comme sur un ordre, ils se jetèrent sur ce qui restait de la cité. Tout ce qui n'avait pas brûlé succomba sous les feux démoniaques de ces monstres, qui balayaient de leurs queues massives les derniers restes de civilisation de ce coin de vallée. De leurs crocs, ils dévorèrent les corps abandonnés là, comme de vulgaires proies, trop contents de ne pas se donner de peine...

Les deux frères se trouvaient loin mais voyaient parfaitement ce qui se passait, autant avec leurs yeux qu'avec leurs coeurs meurtris. Ils se prirent les mains et murmurèrent une prière silencieuse pour le repos des âmes des défunts, si cruellement profanés. De la fumée s'éleva de nouveau de la ville dévastée, et de temps en temps, un hurlement de drakone se faisait entendre. Krysos se mit à regretter le peu de pitié qu'il avait éprouvé pour l'un d'entre eux, peu de temps auparavant...

Jamais ces animaux ne s'étaient approchés de TigrEye, quelque chose avait dû les appeler. Ou peut-être était-ce le pouvoir des prêtres qui avait protégé l'endroit jusqu'à maintenant, ou celui du temple, à présent détruit... Krysos se désolait de ne pas avoir posé plus de questions à ce sujet à Ferypenda... Comme en réponse à l'attaque des drakones, un petit volcan lointain cracha de la fumée dans le ciel clair ; un autre, plus éloigné mais bien plus grand, se réveilla à son tour de sa léthargie. Comprenant ce qui allait se passer mais ne voulant pas y assister, Krysos se détourna et entraîna Beryl dans la dernière partie du voyage.

La pente s'élevait toujours plus haute et plus raide, et bientôt, ils durent même ramper afin d'avancer plus efficacement. Cette nuit-là, ils dormirent sous un gros rocher en surplomb, Beryl la tête sur les genoux de son frère. Celui-ci, tellement fatigué par l'effort de la journée, connu un sommeil absolu cette fois.

Le lendemain, ils se mirent en quête d'un peu d'eau. L'air était bien plus vif et plus pur aussi. Un ruisselet courait depuis le nord jusqu'à eux. Ils burent jusqu'à éclater ce flot délicieux, dans lequel il n'y avait aucune trace de cendre. Prenant leur courage à deux mains, ils entamèrent ce qu'ils espéraient être la dernière montée. Ils avaient repris des forces et ils trouvèrent quelques racines comestibles sur leur route, qu'ils firent cuire en guise de petit déjeuner. Le village était loin à présent et même Beryl semblait avoir retrouvé un certain entrain. Krysos tendit la main à son frère afin de l'aider à passer un rocher coupant, et ils se retrouvèrent alors tout à coup sur un terrain plat, derrière les montagnes qu'ils apercevaient autrefois de chez eux. Et ce qu'ils contemplèrent se révéla au-delà de tout ce qu'ils avaient pu imaginer...

Alors qu'ils n'avaient jamais vu que de la végétation rare et clairsemée, à leurs pieds s'étendaient des arbres. Une mer d'arbres. Ils connaissaient la mer, mais jamais ils n'en avait vue une de la sorte, constituée de fûts tellement serrés qu'on ne pouvait discerner le sol. Si vaste qu'elle se perdait dans les brumes lointaines du nord. Un vol d'oiseaux passa au-dessus de leur tête et se posa quelque part dans cette verdure. C'était ce que Ferypenda avait nommé la forêt de Fayal. Leurs nez captaient des odeurs qu'ils ne reconnaissaient pas, et leurs oreilles se tendaient au doux bruit de chutes d'eau.

Leur calvaire était terminé. Ils avaient trouvé un endroit où la vie régnait en maître. Une vie inconnue pour eux, à découvrir, mais qui les appelait à venir partager ce miracle.

A la vue de tant de beauté, les deux frères manquèrent défaillir. Ils se prirent dans les bras l'un de l'autre et restèrent là, pendant un moment, trop émus pour dire ou faire quoi que ce soit d'autre.

 http://gemminy0.wixsite.com/gemminy/lexique

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