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25 février 2017

Chapitre Onzième ~ La Croisée des Destins (Troisième Partie)

chapitre11-2
(Troisième Partie)

« Ce sont les faiblesses du cœur qui font les belles défaillances... »

 

Les longs couloirs sinueux du palais avaient été conçus en grande partie pour désorienter les intrus non habitués à les parcourir. Dès le début de leur règne déjà, les Magnazurant avaient fait preuve de prudence. On pouvait rejoindre n'importe quel point du château par au moins trois voies différentes, et certaines d'entre elles menaient à des culs-de-sac. Les corridors s'agençaient sans ordre vraiment logique, comme si chaque souverain en avait ajouté à sa convenance, là où il restait quelque place.

Encastrés dans les murs, des luminaires d'un nouveau genre dispensaient leur lueur vive et immobile dans les allées. Aucune mèche ne l'avait fait naître, aucun tremblotement caractéristique de la flamme ne l'affectait. Elle restait statique et glacée dans sa carapace de verre ouvragé. Malachy trouvait ce nouveau système, que l'on avait installé un peu partout dans le palais et dans la ville, très impersonnel et même un peu inquiétant : certes cela était pratique car cela ne se consumait pas, mais rien ne valait à ses yeux le feu et la chaleur des chandelles.

Il repensa à l'invité de l'Empereur : quel genre de personne pouvait-il être ? Il avait souvent porté à des maîtresses attitrées leur repas personnel, discrètement, afin qu'elles n'aient pas à se montrer en public - ce genre de position attisait beaucoup de convoitise et de jalousie - mais à ce qu'il en savait, cet invité était un jeune homme. Tandis qu'il marchait dans les couloirs en tenant consciencieusement son plateau, il sentit la lame du couteau battre contre sa hanche, dans la poche de son tablier. Le tuer ne mènerait à rien : Malachy serait immédiatement suspecté et mis à mort. Et pourtant la simple idée de faire du mal à Diaman le délectait. Cela apaiserait-il les esprits s'il agissait enfin comme son coeur le lui commandait ? Sa voix, à elle, se tairait-elle, trouverait-elle enfin le repos ?...

Il y avait de cela trois ans maintenant, sa soeur aînée Margarite s'était engagée comme femme de ménage dans le palais impérial. Malachy se douta tout de suite de ses intentions. Il savait que sa soeur détestait l'Empire et que d'après des sources familiales, elle faisait partie depuis peu de l'organisation rebelle de la prostituée Ruby. Vainement il tenta de la dissuader de continuer dans cette voie, que c'était trop dangereux, qu'elle risquait la mort, mais elle ne l'écouta pas. Aussi lorsqu'elle débarqua au palais soi-disant pour servir son ennemi, Malachy essaya encore, en vain, de la faire abandonner. Margarite refusa, et lui ne sut plus quoi faire. La dénoncer comme rebelle aux autorités reviendrait à la condamner à mort, il le savait.

Quelques mois après s'être faite admise au palais, Margarite entra en action. Elle saupoudra le petit déjeuner de l'Empereur d'un poison extrêmement violent et presque indiscernable, inventé par Ruby Carminéros, espérant que Malachy ne le détecterait pas. Seulement, il réussit tout de même à le distinguer parmi les fragrances de la nourriture et fut obligé de le signaler. Mais il ignorait à ce moment que sa soeur fut coupable. Il le sut seulement lorsqu'il la vit, entourée de deux gardes, traînée sur le sol : les enquêteurs impériaux avaient retrouvé dans ses affaires des traces du poison. Son exécution fut rapide et personne n'y assista, pas même l'Empereur.

Depuis, Malachy et sa famille ne se voyaient plus que très peu. Certes, la mort de sa soeur aînée l'avait attristé, affligé même, car ils avaient été très proches dans leur enfance, mais après tout, elle avait essayé de le duper, espérant qu'il faillirait à son devoir, et indirectement qu'il soit lui-même exécuté pour incompétence. Il se répétait cela souvent, pour se convaincre qu'il avait eu raison d'agir ainsi plus que par véritable conviction. Elle avait choisi la rébellion au lieu de subir calmement et paisiblement les lubies de Diaman, comme lui. Elle savait que la mort pouvait devenir son lot. Sa condamnation était de son fait... il n'était pas responsable pour avoir fait son travail.

Tandis qu'il avançait en direction de la tour où était détenu le prisonnier, il croisa dans le couloir sire Alexandre Yatagan, les yeux baissés et les mains dans le dos. Il marchait sans vraiment voir où il allait et semblait plongé dans ses pensées. Malachy se rangea sur le côté en le saluant, mais le vétéran ne lui accorda pas un regard ; il continua sa marche lente dans une autre direction, comme s'il avait subitement pris une décision. Il disparut de la vue du chef cuisinier à l'angle d'un couloir.

Celui-ci reprit sa marche et s'apprêta à grimper une série d'escaliers. Ceux-ci étaient très raides et étroits, donnant à la tour dans laquelle ils serpentaient un aspect intime. C'était un donjon inoccupé depuis que Diaman avait congédié sa dernière maîtresse, seulement quelques heures auparavant. Il connaissait le boudoir cossu vers lequel il se dirigeait. Comme d'habitude, un garde solitaire surveillait les allées et venues des rares personnes autorisées à monter jusqu'ici. Son travail devait être bien ennuyeux, à garder une porte que personne ne pouvait franchir sans qu'il s'en aperçoive. Malachy se présenta comme à son habitude, bien que le garde le connaisse déjà depuis longue date :

J'apporte le repas de l'invité de l'Empereur Diaman.
— On m'en a informé. Vous pouvez passer.

Le surveillant sortit de la bourse pendue à sa ceinture une petite clef d'or avec laquelle il déverrouilla la chambre. Malachy se glissa alors à l'intérieur.

Assis sur le rebord de la fenêtre nord, le regard perdu au loin, au-delà des remparts de SolaPiair, il vit une jeune personne aux cheveux blancs. Il ne put distinguer au premier abord s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme, mais quand l'individu se tourna vers lui en entendant le son de la porte qui claquait, il vit ses traits et en conclut qu'il s'agissait d'un jeune homme. Un jeune homme au physique bien étrange, aux yeux rouges flous et sans pupilles, au teint pâle et aux oreilles en pointe. Il portait une longue tunique blanche, qui rehaussait encore son aspect virginal, et de délicates mules de la même couleur. Son expression était partagée entre peur et curiosité pour le nouveau-venu. Tout en lui évoquait l'innocence de l'enfance bien qu'il parût âgé d'au moins vingt ans.

Devant ce spectacle incongru, lui qui s'était attendu à trouver ici un nobliau ou une jouvencelle désagréables, Malachy perdit un peu ses moyens. Il posa le plateau sur une table basse chargée de fleurs fraîches.

Votre repas. L'Empereur Diaman l'a ordonné.

Le prisonnier ne lui répondit pas. Il descendit du rebord de la fenêtre et alla se pelotonner dans un coin du lit, les bras autour des genoux. Tout laissait penser qu'il n'était pas ici de son plein gré, comme les rumeurs le stipulaient. Malachy ne fit pas un mouvement en direction du prisonnier afin de ne pas l'effrayer. Celui-ci, comprenant que le maître des poisons n'était pas venu pour le tourmenter, s'attabla à son repas. Il devait avoir très faim car il se jeta sur la nourriture, exactement comme un enfant le ferait, avec gourmandise. Malachy devait attendre que le repas soit terminé avant de s'éclipser avec le plateau, il eut donc tout le temps d'observer encore le curieux personnage. Il était aussi d'usage de ne pas adresser la parole au convive pendant son repas, il se tint donc coi.

Le prisonnier jetait fréquemment des coups d'oeil vers Malachy afin de s'assurer qu'il ne faisait aucun geste brusque. Il semblait aussi craintif qu'un oisillon tombé du nid. Malachy mit sa main dans la poche de son tablier et serra le manche du couteau. Sa résolution faiblissait ; il revoyait maintenant clairement les failles de son projet : s'il le tuait, le garde ne manquerait pas de le dénoncer. Il serait exécuté. Et au-delà de ça, comment pourrait-il poignarder un être aussi ingénu sans le regretter toute sa vie ?

Le prisonnier trempait sa langue dans le verre de vin avec circonspection quand le maître des poisons s'avança vers lui. Aussitôt, le jeune homme se redressa et s'écarta. Une expression d'horreur pure se peignit sur ses traits parfaits quand la lame du couteau renvoya la lueur d'un des candélabres allumés dans la pièce. Il se tordait les mains dans sa tunique et se mordait les lèvres tandis que des larmes commençaient à couler sur ses joues. Il se rencogna dans un coin de la pièce, comme s'il avait voulu se fondre dans la pierre.

Malachy amorça le geste de frapper, et le prisonnier ferma les yeux. Les voix des morts dans sa tête hurlaient de plaisir anticipé... mais sa lâcheté reprit le dessus : il ne voulait pas mourir pour avoir frappé cet innocent. Aussi, changeant aussitôt d'idée, il prit fermement la main du prisonnier et y fourra le couteau. Puis il s'écarta de lui et marmonna :

Je ne peux pas faire ça... Mais toi, si tu peux le frapper afin de sauver ta vie, fais-le, n'hésite pas. C'est tout ce qu'il mérite. Moi, je n'en ai pas le courage...

Il se doutait que le prisonnier devait être incapable de faire du mal à la moindre créature vivante, mais c'était la seule alternative qui lui était venue à l'esprit. Le jeune homme regardait le couteau dans sa main avec une répugnance non dissimulée, sans pour autant le lâcher.

Cache-le dans tes vêtements, continua Malachy, conscient du mutisme du prisonnier. Diaman va bientôt monter. Si tu arrives à le frapper suffisamment fort, tu pourrais le tuer et peut-être même t'échapper.

Malachy reprit le plateau. Il ne savait pas si le jeune homme avait compris ce qu'il avait dit, mais à présent, il s'en lavait les mains. Il espérait malgré tout qu'il réussirait à échapper à son sinistre sort, qu'il pourrait tuer l'empereur et s'enfuir, même si les chances demeuraient faibles, car le surveillant montait sans cesse la garde à l'extérieur. Bientôt, Diaman se rendrait à la tour pour s'entretenir - ou pour quoi que ce soit d'autre - avec son invité et il ne devait pas s'attarder. Il fit une courte révérence et se dirigea à reculons vers la porte. Au moment de l'ouvrir, il dit ces derniers mots, d'une voix forte afin que le garde les entende :

Je vous souhaite une agréable nuit.

Le garde verrouilla la porte derrière lui et Malachy redescendit les escaliers. Voilà, le mal était fait, il avait accompli ce qu'il pouvait accomplir, et ce soir il s'enivrerait afin de chasser les voix des fantômes de ses victimes qui ne manqueraient pas de le harceler encore...

 

http://gemminy0.wixsite.com/gemminy/lexique

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